Judith Scott ensevelit un corps perdu et fait éclore la vie


Judith Scott ensevelit un corps perdu et fait éclore la vie

Judith Scott, Biennale de Venise, 2017. Photo: Lucienne Peiry

Written by Lucienne Peiry in Le Carnet Portrait

31 octobre 2017

Judith Scott ensevelit un corps perdu et fait éclore la vie

A l’intérieur des œuvres de Judith Scott, un ou plusieurs objets constituent le cœur de sa production: un parapluie, un ventilateur, des magazines ou des clés qu’elle arrime les uns aux autres puis qu’elle entoure, enveloppe et enlace de fils, ficelles, cordes et cordelettes, de manière à protéger et à occulter intégralement ce corps central. Anthropomorphes, zoomorphes ou organiques au début, les sculptures se métamorphosent progressivement et deviennent abstraites dans les dernières années ; elles se présentent le plus souvent sans orientation donnée, sans haut ni bas, sans face ni dos.

La créatrice d’Art Brut n’accorde aucun regard, ou presque, à l’ouvrage en cours de fabrication et procède par gestes lents et répétitifs. La superposition des fils et leur entrelacement, ainsi que les liens et les nœuds qu’elle constitue génèrent un extraordinaire réseau textile, complexe et arachnéen. Des œuvres colorées, il se dégage une forte tension grâce à la fermeté avec laquelle les fils et les brins sont tirés et tissés. Désordre et sauvagerie se bousculent et président à l’émergence d’une technique inédite et novatrice. Ces sculptures qui ressemblent à des cocons géants multicolores ou rappellent des poupées d’envoûtement sont étroitement liées à l’histoire personnelle de leur auteur.

Dans un rituel qui se répète pendant plus de vingt ans, Judith Scott – séparée brutalement de sa sœur jumelle lorsqu’elle était enfant – se lance dans la création, à l’cage adulte, après les retrouvailles avec Joyce, sa jumelle. Dans ses productions, elle momifie un être qu’elle enveloppe avec soin. Ce corps volé, ce corps perdu, qui lui fut soustrait, semble être enseveli par elle, métaphoriquement, tel un défunt. Dans le même temps, elle fait éclore des œuvres qui semblent aussi contenir la vie, pareilles à des cocons, tentant ainsi de réparer sa blessure profonde. Son geste – qui donne lieu simultanément à un ensevelissement et à une résurrection – peut donc être envisagé comme un acte aux vertus thérapeutiques.

La présence de Judith Scott à la Biennale de Venise, l’un des rendez-vous les plus importants de l’art contemporain, marque sans doute une étape importante dans l’histoire de cette créatrice d’Art Brut.

Sa création aurait pu faire l’objet d’un plus grand soin dans la présentation scénographique – les oeuvres sont serrées, présentées sur des socles petits et parfois trop petits…

Le texte de présentation apporte principalement des renseignements techniques et vagues. Aucune information sur le contexte de création et sur le sens profond de cette production exceptionnelle.

Biennale de Venise, jusqu’au 26 novembre 2017.

 

Judith Scott, Biennale de Venise, 2017. Photo: Lucienne Peiry

Judith Scott, Biennale de Venise, 2017. Photo: Lucienne Peiry

 


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