Le dessin comme drogue hallucinogène…


Le dessin comme drogue hallucinogène…

Encre de Magali Herrera, Collection de l'Art Brut

Written by Lucienne Peiry in Le Carnet

1 juin 2015

Lucienne Peiry  propose – dans une conférence qu’elle donne à Paris le 13 juin – une immersion  dans l’univers de quelques auteurs d’Art Brut qui travaillent de manière fiévreuse et obsessionnelle. Leur processus de création les plonge dans un état comparable  à celui que procurent les drogues hallucinogènes, pour reprendre les mots de Michel Thévoz. »

« Le généticien russe Eugène Gabritschevsky    met fin subitement à sa brillante carrière et se fait interner à l’âge de 36 ans pour cause de schizophrénie. Isolé du monde, il se lance dans une création expérimentale, exploitant continuellement les vertus de l’aléatoire par les procédés du pliage, du grattage et fait intervenir des assemblées de personnages ou de figures irréelles qui lui permettent d’explorer les notions d’apparition et de disparition.

Magali Herrera travaille elle aussi matières et textures dont l’échelle et les dimensions restent indéfinies et incertaines. Ses visions cosmiques restent ainsi indéterminées. La créatrice urugayenne commence son aventure créatrice à 53 ans, se livre à la création de ses dessins dans un état de fatigue, voire d’épuisement physique qu’elle s’impose, travaillant sans trêve, nuit et jour, dans un état second.

 

Pour sa part, Unica Zürn investigue tout d’abord le langage procédant à des multiples renversements et déformations des principes de la pensée rationnelle. La poétesse se livrera plus particulièrement au dessin lors de ses séjours longs et répétés à l’écart du monde, à l’Hôpital Sainte-Anne, à partir des années 1960. Elle joue avec diverses combinaisons de courbes, de spirales, de méandres, d’ondulations et de frises dans ses compositions graphiques.

 

Gaston Teuscher se découvre une vocation tardive, après une vie d’enseignant, et commence impulsivement et compulsivement à dessiner à l’âge de soixante et onze ans. Il apprécie les supports de fortune de petits formats, et recupère notamment le papier des nappes de restaurant, dont les irrégularités lui paraissent suggestives ou celui, métallisé, de paquets de cigarettes. Il exploite taches, plis et déchirures, les rehaussant à la mine de plomb ou au stylo à bille, du marc de café, du jus de tabac ou de cendre, ou avec du vin. Personnages et silhouettes spectrales aux visages ondulants peuplent abondamment ses compositions. Teuscher ne se considère pas comme un artiste mais comme un amateur qui révèle ce qui préexiste dans la nature, explorant un processus qui fait la part belle au hasard.

 

L’état de transe et de fièvre dans lequel Gabritschevsky, Herrera, Zürn, Teuscher se trouvent au moment de leur création est sans doute étroitement lié à leur intranquillité et/ou à leur chaos mental. Les dissonances intérieures ont assurément ouvert des voies de perception inexplorées, permettant des expériences créatrices dissidentes. Cet état de haute discordance est comparable à celui dans lequel s’immergent les auteurs d’Art Brut qui attribuent un caractère médiumnique à leurs productions. C’est le cas de Raphaël Lonné qui entre en contact avec l’au-delà et prétend que sa main est dirigée par les esprits qui lui ordonnent de suivre leurs indications. Dans ses compositions, sa ligne se fait alors aventureuse et l’entraîne dans des paysages, des architectures oniriques d’une sophistication extrême. »

 

Plusieurs œuvres de ces créateurs dessinateurs sont actuellement présentées dans l’expo de la Halle Saint-Pierre à Paris, « Les Cahiers dessinés », jusqu’au 14 août.

Séminaire de la trinité en déroute au sinthome, dirigé par Lise Maurer, samedi 13 juin,

à 14h à l’ITP,  salle11  83 Bd Arago 75014 Paris 

   Lucienne  Peiry, historienne de l’art, docteur ès-lettres,

     présente :

      Le dessin comme drogue hallucinatoire,

       à partir des œuvres de Eugène Gabriteschvsky, Magali Herrera, Gaston Teuscher ainsi que Raphaël Lonné.

 

 

Bibliographie sélective:

Lucienne Peiry, « Dessiner pour survivre » in Le Cahiers dessiné no 10, Paris, 2015, pp. 224-229.

 

Ecriture en délire, sous la direction de Lucienne Peiry, Milan/Lausanne, 5 Continents/Collection de l’Art Brut, 2004.

 

Lucienne Peiry, L’Art Brut, Paris, Flammarion (1997,1999, 2001, 2006, 2011) anglais (2001 et 2005), allemand (2006), chinois (2015).

 

Unica Zürn, catalogue d’exposition, Paris, Panamamusées et Halle-Saint-Pierre, 2006.

 

Jacqueline Meredith-Roche, « Magali Herrera », in L’Art Brut no 21, Lausanne, Collection de l’Art Brut, 2001, pp. 5- 29.

 

Luc Debraine, « Eugène Gabritschevsky », in L’Art Brut no 16, Lausanne, Collection de l’Art Brut, 1990, pp. 22-35.

 

 

 

G.R.E.C

Groupe de Recherches et d’Etudes Cliniques

Secrétariat, tel : 01.46.27.85.68 à Asnières

 

 

Séminaire De la trinité en déroute au sinthome

Samedi 13 juin   2015

De 14 heures à 16 heures 30

Institut Protestant de Théologie

83 Boulevard Arago – 75014 PARIS

Participation aux frais sur place 8 euros


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