Sans aucune esquisse ni aucun croquis, vierge de toute idée préconçue, la créatrice chinoise Guo Fengyi se met dans un état de recueillement, de concentration, de vacuité et d’intense disponibilité, comme elle le fait lorsqu’elle pratique le qigong[1]. Elle se concentre et cherche à trouver un état de réceptivité. Dès lors, des visions lui apparaissent, confie-t-elle, la composition prend corps sans qu’elle ne la maîtrise ni ne la contrôle, et les formes lui sont révélées au fur et à mesure de leur réalisation. Elle peint dans la hâte, d’un même geste, d’un seul souffle, sans repentir aucun. L’œuvre survient, involontaire, et advient: « Cela s’accomplit », dit-elle.
La rapidité d’exécution et le caractère itératif des lignes qui se répètent concourent à la déprise d’elle-même et du réel, et favorisent d’autant plus l’état presque hypnotique qu’elle recherche. Guo Fengyi révèle dans ses peintures des « moments », dont elle inscrit souvent, sur chacune, l’heure de début et de fin de l’exécution. Elle se dit inspirée par Bouddha[2], précise ensuite « le message vient du ciel, […] mes œuvres sont inspirées », renonçant ainsi à se présenter comme l’auteur de sa production, à l’instar de nombreux auteurs d’Art Brut.
L’exposition présentée par la Collection de l’Art Brut à Lausanne, est consacrée au « Corps » et présente des œuvres de cette créatrice chinoise (jusqu’au 29 avril).
Pour plus d’informations sur elle: Lucienne Peiry, Guo Fengyi, Lausanne, Collection de l’Art Brut, 2011.
Lucienne Peiry évoque cette exposition sur la RTS (Radio Télévision Suisse), Espace 2, (« A vous de jouer »), samedi 31 mars à 9h45.
[1] Cet état de totale réceptivité fait écho à celui que décrivent les médiums, notamment ceux qui se livrent à la création « sous dictée », pour favoriser la relation avec l’au-delà. A ce titre, il convient d’observer que la facture des œuvres de Guo Fengyi rappelle les œuvres médiumniques de Laure Pigeon ou de Rosa Zharkikh.
[2] La pratique de la peinture et celle de la religion sont étroitement liées. Guo Fengyi range et conserve ses œuvres enroulées dans une pièce réservée à la prière et à la méditation, où se trouve un autel bouddhiste.