« Ces collages, c’est moi »


« Ces collages, c’est moi »

Marc Moret et ses scuptures, Vuadens, 2015. Photo: © Kevin Seisdedos.

Written by Lucienne Peiry in Le Carnet

6 avril 2021

Marc Moret (1943-2021) vient de mourir. Il entreposait confidentiellement ses œuvres – ses reliquaires personnels – dans deux pièces au premier étage de sa ferme; il allait s’y recueillir rituellement chaque soir, dans le silence et la solitude, pour s’y ressourcer, affirmait-t-il, avant de fermer la porte sur laquelle, en partant, il faisait le signe de la croix. Ces œuvres lui servaient ainsi de support à la dévotion et au recueillement et étaient dotées de dimensions réparatrice et propitiatoire, mais aussi salvatrice. Evoquant ses hauts-reliefs, il confiait « ces collages, c’est moi », mettant en évidence que ses créations font partie intégrante de son être intime.

Dans les dernières années de son existence, conscient de sa fin proche, il s’efforçait de se détacher de ses créations et entreprenait de « désapprendre à vivre », selon sa propre expression; il menait un existence d’isolement et d’ascétisme.

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Marc Moret est né dans le village de Vuadens, dans le canton de Fribourg, en Suisse. Agriculteur comme ses parents et ses grands-parents, il réside dans la ferme familiale, menant une existence modeste, au plus proche de la nature, s’occupant de ses génisses et de ses chats. Conformément à sa philosophie personnelle, il respecte et protège tous les animaux, même les plus nuisibles, n’en tuant jamais aucun – il refuse de faire boucherie –, ce qui le rend totalement marginal dans la communauté paysanne.

Il se lance dans la création par l’écriture dans les années 1970, puis en réalisant quelques peintures, à partir de 1983, où apparaissent des motifs végétaux et floraux de plusieurs couleurs, des personnages aux visages quelque peu déformés, mais aussi des figures abstraites. Par la suite, à la fin des années 1990, il se consacre, avec exaltation, toujours à huis clos, à l’élaboration de hauts-reliefs, fabriqués à l’aide de tessons et de bris de verre, de fils de fer, de boyaux et d’os d’animaux calcinés, mèches de cheveux récupérés, fragments métalliques : des objets et des matières « en fin de vie », pour reprendre ses propres termes ; il enduit l’ensemble d’une colle confectionnée par ses soins et le fait reposer sur un support de bois, au sol. Etranges et impressionnantes, ces sculptures sont en parfaite adéquation avec la volonté de l’auteur de fabriquer des ouvrages « anti-esthétiques ». Elles expriment son chaos et son désordre intérieurs, mais également ceux dont le monde est atteint.

Dans certaines de ses compositions, il intègre des objets ayant appartenu à des membres de sa famille, notamment des objets de mercerie de sa défunte mère (fermeture Éclair, boutons, épingles et épingles à nourrice, aiguilles à tricoter, dentelle) ou de ses grand-pères (montant métalliques de lits) qu’il considère comme des pièces commémoratives.

Le quotidien suisse « La Gruyère » a réservé une pleine page à Marc Moret dans son édition du samedi 3 avril.

Article paru dans le quotidien « La Gruyère » le 3 avril 2021.
Marc Moret et ses scuptures, Vuadens, 2015. Photo: © Kevin Seisdedos.
Marc Moret et ses scuptures, Vuadens, 2015. Photo: © Kevin Seisdedos.
"Collage à maman", Marc Moret, Vuadens, 2015. Photo: © Kevin Seisdedos.
« Collage à maman », Marc Moret, Vuadens, 2015. Photo: © Kevin Seisdedos.
Marc Moret et ses scuptures, Vuadens, 2015. Photo: © Kevin Seisdedos.
Marc Moret et ses scuptures, Vuadens, 2015. Photo: © Kevin Seisdedos.
Marc Moret et ses scuptures, Vuadens, 2015. Photo: © Kevin Seisdedos.
Marc Moret et ses scuptures, Vuadens, 2015. Photo: © Kevin Seisdedos.


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