Eblouissantes tours de Watts à Los Angeles. Une visite à couper de souffle!


Eblouissantes tours de Watts à Los Angeles. Une visite à couper de souffle!

Deux tours de Simon Rodia. Photo: Lucienne Peiry

Written by Lucienne Peiry in Découverte Le Carnet

24 juillet 2015

Simon Rodia, créateur hors du commun, a réalisé un ensemble architectural de 17 tours vertigineuses à Los Angeles – dont la plus haute culmine à 30 mètres. La visite permet de sentir la puissance de ces créations délirantes qui prennent place dans le quartier désolé de Watts, au bout d’une rue sans issue. Une belle métaphore, un acte de rébellion poétique qui fait une nique splendide à un destin sec et rude.

Sur place, le guide qui nous emmène dans la visite commentée des tours de Rodia raconte avec vigueur et truculence l’histoire de l’homme et de son œuvre. A l’issue de la visite, le public est invité à découvrir l’extraordinaire film documentaire (datant de 1957, récemment remasterisé) sur cette création architecturale contemporaine du Palais idéal du Facteur Cheval.

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Sabato Rodia, originaire d’un petit village près de Naples (Ribottoli), quitte le pays à l’âge 15 ans environ, vers 1895, fuyant une vie de misère, pour retrouver l’un de ses frères déjà immigré aux Etats-Unis. Il passe plusieurs années à travailler comme manoeuvre dans plusieurs villes américaines, se marie à trois reprises et divorce à chaque fois. La disparition prématurée de l’une de ses filles le plonge dans un profond désarroi. 

Rodia, qui se prénomme désormais Simon, acquiert vers 1920 une petite propriété située dans un quartier bruyant et sale de Los Angeles. C’est là qu’il décide d’ériger ses constructions fabuleuses, sans plan ni esquisse préalables. Rodia construit ses 17 tours seul, sans l’aide de quiconque, sans échafaudage et sans échelle, utilisant les structures mêmes de ses tours sur lesquelles il grimpe pour en poursuivre la fabrication. Lui-même de stature modeste, il mesure 1.47 mètres, Simon Rodia conçoit des constructions de dimensions adéquates à sa taille et fait preuve d’une agilité étourdissante pour se déplacer de haut en bas et de l’une à l’autre. Il déploie également une grande inventivité dans le décor de ses tours, récupérant des matériaux comme de la vaisselle cassée, des bris de bouteilles, des tessons, des coquillages.

Jour après jour, les tours prennent de l’ampleur, Rodia travaillant avec passion et acharnement à son œuvre, après son travail, souvent pendant la nuit, ainsi que tous les week-ends, durant plus de 30 ans. Il faut dire que l’homme est peu loquace, coupe court aux conversations et se montre même souvent asocial; il se montre rebelle aux institutions et à l’autorité, aux conventions, et plusieurs personnes rapportent qu’il est d’un tempérament anarchiste. 

Aux nombreuses personnes qui l’interrogent sur l’origine et la raison de ses créations, il donne des réponses surprenantes, souvent différentes: « Ma femme est morte et je l’ai enterrée sous la grande tour » ou « j’ai perdu mon travail » ou encore « parce qu’il y a des gens sympathiques dans la région ». Autant dire qu’il n’en fait qu’à sa tête et poursuit de plus belle son travail. Le célèbre compositeur, contrebassiste et pianiste de jazz Charles Mingus habitait à une rue des tours de Rodia et regardait souvent Rodia travailler (il l’évoque dans sa biographie intitulée Beneath the Underdog (NY, Vintage Books, 1991).

Les tours vertigineuses de Simon constituent une riposte symbolique, une rébellion pacifiste, mais elles peuvent aussi être interprétées comme un écho aux grandes tours de bois et de papier que les habitants de Nola, près de son village natal, faisaient traditionnellement parader dans les rues, pour la Festa del Giglio, au mois de juin.

A consulter: l’excellent livre de Bud Goldstone et Arloa Paquin Goldstone, The Los Angeles Watt Towers, LA, The Getty Conservation Institute and the J. Paul Getty Msuem, 1997.

Simon Rodia dans son ensemble de tours. Photographe inconnu

Simon Rodia dans son ensemble de tours. Photographe inconnu

Simon Rodia perché dans l'une de ses tours. Photographe inconnu.

Simon Rodia perché dans l’une de ses tours. Photographe inconnu.

Les tours de Simon Rodia, détail. Photo: Lucienne Peiry

Les tours de Simon Rodia, détail. Photo: Lucienne Peiry

Les tours à Nola, près de Naples. Photographe inconnu

Les tours à Nola, près de Naples. Photographe inconnu


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